Lecture au détour d'un bosquet

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Cela faisait à peine quelques semaines qu'Anne-Elisabeth et son frère Antoine étaient arrivés à Versailles. La jeune femme commençait à s'habituer à l'ambiance de la Cour mais certaines choses arrivaient encore à l'étonner, tout cela était bien différent de l'ambiance du château de son enfance.

Sortant de ses appartements avec un livre à la main, elle emprunta plusieurs couloirs peu fréquentés, s'interrompant parfois pour regarder un tableau aux couleurs éclatantes ou alors une sculpture aux finitions soignées.

Arrivant dans les jardins, elle accéléra le pas, saluant sur son passage quelques personnes avec qui elle avait déjà échangé quelques mots. Continuant son chemin, elle s'engagea dans une zone peu fréquentée des jardins. Lors de ses pérégrinations dans les jardins Anne-Elisabeth avait trouvé un endroit à l'écart de l'agitation générale. Trouver cet endroit avait été un coup de chance pour la jeune femme, certes Versailles lui plaisait, faire la connaissance de nouvelles personnes la réjouissait, mais elle avait besoin de temps en temps de se retrouver seule pour lire un livre ou tout simplement se promener.

Etant enfin arrivée à destination, la jeune noble nettoya le banc de pierre des quelques feuilles qui étaient tombées dessus. Son havre de paix se situait un peu en retrait d'une des grandes allées. Entouré d'arbres, le banc se situait à l'abri du vent mais également des regards.

S'asseyant, Anne-Elisabeth ouvrit son livre et reprit sa lecture là où elle l'avait abandonnée la veille.

Antoine suivait sa soeur depuis un moment. Après son arrivée à la Cour, son instinct de frère était en alerte et tout prétexte était bon pour ne pas la lâcher des yeux. Il savait depuis quelques jours qu'elle s'absentait dans les jardins, et il voulait en connaître la raison. Il avait déjà remarqué les regards envieux de certains jeunes nobles lorsqu'elle passait devant eux, ce qui avait le don de l'exaspérer. Si un petit fougueux s'approchait un peu trop près de sa soeur adorée, il aurait affaire à lui.
Il s'arrêta près d'un arbre et enfin il l'aperçut, assise sur le banc de pierre en train de lire. Rassuré de la trouver seule, il s'avança en souriant.

"Et bien, ma soeur, pourquoi vous éloigner ainsi du château ? L'ambiance de la Cour ne vous convient-elle pas ?"

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Sursautant légèrement quand elle entendit qu'on s'adressait à elle, Anne-Elisabeth tourna la tête vers la personne qui l'avait interpellé. Un sourire vint fleurir sur son visage lorsqu'elle reconnut son frère. Il lui avait manqué ces derniers temps, ils se voyaient beaucoup moins qu'au château familial et cela lui manquait un peu.

"Bonjour mon frère. Je suis venue ici pour lire un peu et m'éloigner quelques heures de l'agitation de la cour, tout cela est tellement différent du château de notre enfance. Souhaitez-vous vous asseoir mon frère?"

Disant cela elle avait refermé son livre, prenant soin de marquer la page où elle s'était arrêtée.

"J'espère mon frère que vous ne m'avait pas suivi."

Son sourire en coin montrait bien qu'elle n'était pas dupe, mais ça l'amusait, un peu.

Antoine s'avança en lui rendant son sourire. Il savait que sa soeur le connaissait par coeur et que sa manie de la surveiller ainsi lui pesait un peu. Néanmoins, il était persuadé au fond de lui-même qu'il la rassurait. Elle ne lui reprochait pas ouvertement d'être sans cesse sur ses talons, tout du moins pas encore.
Il s'assit à côté d'elle et prit le livre qu'elle venait de poser sur le banc.

"Votre goût pour la littérature ne se ternira donc jamais", lui dit-il avec une lueur d'amusement dans la voix.

Il reposa le livre et regarda alentours.

"Cet endroit est incroyable. Notre domaine fait pâle figure à côté de cette merveille, mais je suis persuadé que nous nous accomoderons très vite."

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Anne-Elisabeth sourit plus franchement à sa question, comme à chaque fois qu'elle devait parler de ses chers livres.

"Je ne pense pas que je puisse un jour m'en lasser. De plus, la bibliothèque de Versailles possède de nombreux livres des plus intéressants."

Elle regarda à son tour le paysage qui s'étendait sous ses yeux. Les jardins n'avaient pas encore la taille ni le luxe du rêve de Louis XIV, mais il était vrai qu'ils différaient beaucoup du jardin du domaine familial.

"Vous avez raison, tout ceci est bien différent du jardin où nous avons passé notre enfance. Ce n'est d'ailleurs pas la seule chose de différent ici, tout est tellement, flamboyant par rapport à notre domaine familial. C'en ait d'ailleurs dépaysant et déconcertant."

Oui, la jeune noble avait parfois l'impression de vivre un rêve qui la laissait à bout de souffle.

"Mais et vous mon frère, à quoi donc passez vous votre temps? "

"Et bien, ma chère soeur, il se trouve que je n'ai pas encore eu l'occasion de flâner à la Cour. On me mande partout en ce moment. Je dois prendre mes marques avec ma nouvelle garnison, et il faut bien que je l'entraîne. J'ai tout de même le temps de me promener un peu et de participer à la vie de Versailles, mais je dois vous avouer que les fêtes et autres bals ne me distraient que fort peu."

Il était vrai qu'Antoine préférait la solitude. Mais ce n'était que passager, il en était certain. Il lui fallait prendre ses repères et bientôt il considérerait Versailles comme son véritable foyer, celui qui lui manquait tant et dont il avait tant besoin.
Il se releva et tendit son bras à Anne-Elisabeth.

"Voudriez-vous faire quelques pas avec moi ?"