Cher journal,
Pourquoi ? Pourquoi la vie est-elle si dure avec moi ? Je ne lui ai rien demandé moi ! Je n’ai pas demandé à naître, à vivre, à respirer et encore moins à tomber amoureuse ! J’aimerais savoir ce que j’ai fait pour mériter ça, ai-je fais quelque chose de mal ? Ai-je blessé quelqu’un ? Je ne pense pas, et pourtant j’ai constamment l’impression d’avoir fait quelque chose de mal, d’avoir profané quelque chose d’important, de précieux. J’en ai marre de ce ressenti, et étrangement il fait partie intégrante de moi. Je suis pratiquement sûre que s’il disparaissait, une partie de moi partirait avec lui. Je suis une femme pleine de complexes, de paradoxes, j’en ai conscience et, même si je pense qu’ils font de moi ce que je suis, j’aimerais m’en débarrasser. J’aimerais qu’ils partent pour que je puisse vivre, pour que je puisse être moi. Tout le monde autour de moi est heureux et comblé. Vivian est mariée depuis plus de 10 ans, Danny est un séducteur de première, Martin, je crois qu’il voit quelqu’un, et même Jack paraît plus heureux depuis qu’il est avec Anne. Mais moi ? Quand est-ce que je vais enfin trouver le bonheur, la paix et la tranquillité que confère l’amour ? Quand est-ce que je vais trouver ce prince charmant et son beau cheval blanc ? Je pensais l’avoir rencontré en arrivant ici, tout avait bien commencé. Nous avons vécu cinq mois de pur bonheur, nous partagions les joies et les peines des enquêtes, nous étions unis en quelque sorte. La seule ombre au tableau était Maria, l’ex-femme de Jack. Mariés depuis plus de 14 ans, ils ont eu deux merveilleuses petites filles : Hanna et Kate, deux petits anges bruns. C’est à cause de ce mariage que Jack a mit fin à notre relation, il ne m’a jamais vraiment dit qu’il ne m’aimait plus, mais je le sens. Il a seulement prétendu que cela faisait du mal à sa famille. C’est tout de même étrange comme les gens peuvent mentir parfois, je sais que s’il ne m’a pas dit la vérité c’est pour éviter de me faire du mal mais j’aurais quand même préféré la vérité. J’aurai eu mal, très mal même, mais la blessure qu’il a ouverte en moi aurait peut être réussie à cicatriser. Aujourd’hui je vis avec une plaie à vif, et crois-moi, ça fait mal, extrêmement mal. Le savoir dans les bras d’une autre, le voir sourire ou parler à une autre que moi me rend jalouse. Depuis plus de quatre ans maintenant, je n’ai jamais réussi à oublier la chaleur de son corps contre le mien. Personne ne m’avait jamais fait l’amour comme lui, il est doux, attentif et passionné. Je l’aime de tout mon coeur mais lui non, qu’y a-t-il de plus douloureux au monde qu’un amour non partagé ? Je crois que le pire dans tout ça, c’est le fait que je travaille avec lui. On se voit tous les jours, on se parle, on se frôle parfois, chaque jour je dois prendre sur moi-même pour ne pas lui sauter au cou devant tout le monde. Si je devais dire quel est le jour le plus malheureux de ma misérable vie, je dirais sans nul doute celui où il nous a annoncé son départ pour Chicago. Je me souviens encore de ses paroles, de son regard. J’étais là, face à lui, un café à la main. Je me souviens qu’il avait beaucoup hésité, ce qui n’est d’ailleurs pas son genre. Il avait prononcé les phrases une par une, on aurait dit qu’il mesurait la portée de ses mots à mesure qu’il les prononçait. La sécurité intérieure, Jack Malone agent de la sécurité intérieure, quel gâchis ! Aujourd’hui encore je me demande comment il a pu accepter ce poste, lui qui avait grimpé tous les échelons un à un, qui c’était fait un nom dans le service des personnes disparues. Cet homme allait devoir tout recommencer ? Je ne voulais pas le croire et pourtant c’était la réalité, l’homme que j’avais laissé filer une première fois me passait entre les doigts une seconde fois. J’étais très perturbée par cette nouvelle, je n’avais qu’une envie, pleurer, pleurer à chaudes larmes. C’est dans la salle de repos que je le fis, et le pire dans tout ça, c’est que Martin me surprit. Il m’était impossible de prétendre ne pas avoir pleuré, mon maquillage avait coulé. Je me rappelle avoir tenté de lui expliquer ce qui m’arrivait, sans grand succès il faut l’avouer. En parlant de Martin, je crois maintenant que la plus grosse bêtise que j’ai jamais faite est celle de m’être jeté dans ses bras ce soir là. Lui donner de faux espoirs était vraiment horrible de ma part, je crois pourtant que mon comportement était compréhensible. Le désespoir vous pousse à faire des choses dont on ne se serait jamais cru capable. Je vois des assassins ou de violeurs presque tous les jours, ils sont tous plus horribles les un que les autres, leur comportement est inexcusable et pourtant je continue de croire que personne ne naît avec les gênes d’un violeur ou d’un assassin. Pour moi ce n’est que le résultat d’une profonde détresse, liée le plus souvent à une enfance gâchée. La vie est quelque chose de précieux, il ne faut pas la laisser filer, voilà ce que ma grand-mère m’a toujours dit. Elle avait laissé passer l’amour de sa vie et son travail avait occupé ses pensées pendant beaucoup d’années. Je me souviens qu’étant petite je m’étais jurée de ne pas faire les même erreurs qu’elle. Plus le temps passe et plus je me rends compte que je suis exactement le même chemin, j’ai plus de 30 ans et je n’ai rien fait de ma vie. Je n’ai rien à part mon job. Il me bousille l’existence et pourtant je ne pourrais pas m’en passer. Jack est comme ça aussi, depuis plus de 12 ans il se consacre corps et âme à ce boulot. Il a perdu sa femme et ses filles et bizarrement il a l’air de faire face, du moins c’est ce qu’il fait croire à tout le monde. Mais personne ne le connaît comme moi, personne ne connaît l’être qui se cache sous la carapace de Jack Malone, l’agent glacé du FBI de New-York. Je lis en lui comme peu de gens savent le faire et c’est pour ça que je peux affirmer qu’il n’est pas heureux. Cette Anne, que je n’aime pas beaucoup d’ailleurs, ne l’aime pas, elle a juste besoin de lui pour sortir du trou dans lequel elle est tombée à la mort de Max. Mais qu’elle en sorte à la force de ses bras flasques de ce trou, il n’a pas besoin de l’aider ! Quand le divorce de Jack fut prononcé, la branche à laquelle je me raccrochait a forcie, je reprenais espoir en me disant que tout n’était peut être pas fini. Malheureusement pour moi, la branche se fragilisa vite et la fleur qui était née en moi mourut avec l’arrivée de Cassidy. Je donnerais tout ce que je possède pour que mon chemin n’ait jamais croisé le sien. Et parce qu’il est des douleurs qui ne saignent qu’à l’intérieur, aujourd’hui je suis au bord du gouffre à mon tour. Seulement je sais que Jack ne sera pas là pour m’aider à en sortir, non seulement il ne sera pas là mais personne ne sera là.