Moi, frêle et fatiguée Isabelle, j'entrai lentement dans cette pièce qu'on pourrait à peu près appeler ma chambre. Pas très enthousiaste, certes. Pas du tout, même. La journée avait été rude. Loin d'être malmenée par Marie, ma chère amie et maîtresse, j'étais plutôt malmenée par la crainte. Ça n'avait pas été joyeux. Marie Mancini et sa femme de chambre s'étaient tuées de pleurer sans grand répit toute la journée. Pleurer de peur. Lamentable. Je me croyais plus forte que cela. Et moi qui m'étais jurée ne jamais verser une larme pour un homme... Une bonne nuit de sommeil m'aiderait, sans doute. Comme cela, le lendemain, plutôt que de pleurer sans autre forme de procès, je pourrais m'éxécuter à quelque chose de mille fois plus utile : la prière. Et Marie n'aurait aucune excuse, je la convaincrais de prier avec moi, jusqu'à ce que nos genoux n'en puissent plus.
Secrètement, j'aurais espéré que Lina ne soit pas là. Je n'avais pas encore le courage de répondre à ses questions. Questions qui, vu mon apparence misérable, ne sauraient être évitées. Et je n'avais même pas l'envie de balayer mon expression vide, de me secouer. Je laisserais ça pour le lendemain. Au repos, Isabelle.
Je ne regardai pas Lina, de peur qu'elle n'en remarque que plus mes yeux rouges. Je me dirigeai lentement vers le petit lit de bois, et ne murmurai que très doucement, d'une voix rauque :
"Lina..."
Impossible d'en dire plus. Ma voix se bloqua dans ma gorge. Je ne sus dire si c'était cette peur omniprésente qui m'empêchait d'articuler, ou s'il s'agissait juste de la fatigue d'avoir trop pleurniché.
Quoiqu'il en soit, impossible que Lina n'ait rien remarqué. Ainsi, je m'assis sur mon lit, et au lieu d'entreprendre de me déshabiller, je fixai le sol silencieusement, attendant des questions auxquelles les réponses m'étaient détestables.