Le Temps du Roi ~ Une Légende
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 // Souvenirs d'Isabelle. :.

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Isabelle Tremblay
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MessageSujet: // Souvenirs d'Isabelle. :.   // Souvenirs d'Isabelle. :. Icon_minitimeMer 12 Sep - 23:24



Souvenirs d ' IsabelLe ._____

------------------------- TrembLay.
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Isabelle Tremblay
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MessageSujet: Re: // Souvenirs d'Isabelle. :.   // Souvenirs d'Isabelle. :. Icon_minitimeMer 12 Sep - 23:24

.: Maison des Tremblay, un soir de février 1647. :.


Ce soir-là, une petite fille se contortionnait inconfortablement sur la couchette qu’elle appelait son lit. Elle se tournait d’un côté, se retournait de l’autre... pour finalement se rouler en boule, puis encore s’étirer... et recommencer ce manège depuis le début. Non, Isabelle Tremblay ne pouvait pas dormir. Et si elle ne pouvait pas dormir, eh bien... c’était parce que quelque chose n’allait pas.
Elle se redressa en frottant ses petits yeux, inquiète. Ils s’ouvrirent, papillonèrent, se refermèrent, s’ouvrirent à nouveau. Le temps de s’habituer à l’obscurité, et la fillette remarqua que décidément, quelque chose n’allait pas. Du tout.
Dans la pièce de la maison qu’on pouvait nommer chambre, cinq couchettes étaient alignées. Trois d’entre elles contenaient des enfants : deux petites filles, et un garçon encore plus jeune qu’elles. Deux des enfants dormaient. Pas Isabelle.
Les deux autres couchettes, légèrement à l’écart, étaient vides. C’était ça qui n’allait pas.
Guillaume Tremblay, revenu la veille du front, et sa femme Catherine auraient tous deux dû se trouver, côte à côte, dans ces deux espèces de couchettes, à dormir paisiblement. Isabelle se crut en devoir de découvrir où pouvaient bien se trouver ses parents, et se leva discrètement, veillant à ne pas réveiller son frère et sa soeur. Puis, lentement, à pas de loup et guidée par la lumière de la Lune qui entrait par la fenêtre, la petite se dirigea vers la deuxième et dernière pièce de la maison.
Évidemment, ils avaient beau être un peu moins pauvres que certaines de leurs connaissances, les Tremblay n’avaient jamais vécu dans du grand luxe. En vérité, l’argent qu’ils avaient ou gagnaient était plutôt gaspillé en nourriture ou en habits. Isabelle, qui comprenait beaucoup plus de choses qu’on ne le croyait à son âge, soupçonnait sa mère d’en économiser une petite part, pour une raison précise, raison qu’elle ignorait cependant. Du reste, les enfants Tremblay n’avaient jamais réellement connu la famine. Le froid et la disette peut-être, mais pas la cruelle famine.
La fillette aux boucles brunes pénétra donc dans cette seconde pièce, qu’on pourrait appeler cuisine. Une freste de lumière filtrait par la porte d’entrée entrouverte, et des voix élevées parvenaient vaguement à Isabelle. Elle s’en approcha précautionneusement, et osa un oeil curieux par l’entrouverture. Elle ne vit rien, mais les éclats de voix devinrent plus distincts.


« Je t’en prie, Guillaume ! Ce n’est plus possible ! Je n’en peux plus ! Il doit bien y avoir un moyen de revenir en arrière ! », entendit-elle la douce voix de sa mère supplier.

Les deux parents se trouvaient bel et bien dehors, et au ton de Catherine, Isabelle devina que la conversation était des plus sérieuses. Elle se questionna, un instant, si elle devrait se sentir coupable d’entendre des choses qu’elle n’aurait pas dû. Mais la curiosité était plus forte. Elle tendit un peu plus l’oreille pour capter les éclats de voix, faute de pouvoir apercevoir la scène, et fit de son mieux pour ne pas en perdre une miette.


« Catarina ! » répondit tout aussi exaspérée celle de son père, « Si nous revenions en arrière... tu connais ton cousin. Il recommencerait à nous traquer. »

Catarina ? se demanda l’enfant brune cachée. Mais ce n’était pas le nom de sa mère ! Et qui était ce cousin dont on ne lui avait jamais parlé ?
Le coeur de la fillette battit un peu plus vite face à ces mystères. Ses parents cachaient quelque chose. Raison de plus pour être doublement attentive.


« Nous l'en dissuaderons, il le faut ! S’il te plaît, Guillaume, pense aux enfants ! Pense à ce que nous pourrions leur offrir... je les ai déjà vus souffrir de faim, et du froid de l’hiver, parce que l’argent que tu nous laisses n’est pas toujours suffisant. Et Isabelle m’a l’air fragile, ces derniers temps... il ne manquerait plus qu’elle tombe malade ! Et que devrais-je faire dans ce cas-là ? Je ne le supporterais pas à nouveau ! »

Isabelle haussa les sourcils aux paroles de Catherine. Fragile, elle ? Pas le moins du monde ! Elle se portait très bien, merci pour elle.

« Écoute-moi, Catherine... » reprit patiemment Guillaume, « Te vois-tu convaincre le marquis que nous avons fait le bon choix ? Il serait capable de s’en prendre à nos enfants, alors que toi, tu les veux protéger. Tu sais de quoi cet homme est capable. Préfères-tu vraiment cela à la faim et au froid ? »

Il y eut un silence assez inconfortable. Isabelle entrouvrit un peu plus la porte, et elle aperçut enfin les auteurs de cette discussion. Elle put observer la chevelure brune de sa mère se blottir contre le torse de son père, une scène si rare et précieuse, et soupirer longuement.

« Tu m’en vois désolé, » émit alors doucement Guillaume Tremblay, en caressant le dos de sa femme pour l’apaiser. « Nous devrons attendre sa mort. Après cela, ma chérie... nous reprendrons nos places, et les biens dont il nous a privés. Et nous pourrons offrir ce que nous voudrons à nos petits. »

« Oui, oui, » murmurait Catherine, un peu plus calme.

Silence. La fillette attendit patiemment, légèrement inquiète. Peut-être faudrait-il déjà retourner se coucher, pour ne pas risquer de se faire prendre ? Mais elle se félicita de ne pas être partie tout de suite en entendant sa maman reprendre la parole.


« Tu sais, » commença-t-elle, hésitante, « Ce serait plus facile si tu étais là... avec nous. »

Guillaume ne répondit pas à l’immédiat. De là où elle était, Isabelle put l’entendre soupirer longuement.


« Nous en avons déjà parlé. » appuya-t-il, lentement.

Il donnait l’impression de ne pas apprécier ce sujet.
Catherine s’en détacha. Son regard triste reluisait à la lumière lunaire. Elle contempla l’astre sans vraiment le voir.


« Si tu le voulais, tu pourrais... » affirma-t-elle, absente.

« Je t’ai déjà dit que je ne pouvais pas. »

Il baissa les yeux, comme si quelque chose le dérangeait. Elle n’y prêta aucune attention.


« Si, Guillaume, tu pourrais. Tu pourrais trouver autre chose, un métier simple, qui te rapprocherait de nous. »

Lui sembla s’énerver quelque peu.

« Non, je ne pourrais pas. Je n’ai pas été élevé pour ça. Je ne sais rien faire. » insista-t-il.

« Tu pourrais apprendre, » coupa-t-elle brusquement, impatiente. « Tu en es capable. Quand tu veux, tu peux. »

Il secoua frénétiquement la tête, s’appuyant sur un pied, puis sur l’autre, visiblement pas commode. Il cherchait des arguments.

« Je ne peux pas, je ne peux pas ! Et j’ai des devoirs. Je me dois de les accomplir. »

La jeune femme redirigea son regard sur son mari, contrariée. Elle répliqua avec fermeté :

« C’est là un argument bien faible. Pourquoi risquer ta vie en accomplissant des devoirs que tu aurais pu fuir ? Ce n’est même pas un argument. C’est une excuse. Et ta fierté n'y est même pour rien. »

Silence. Le bruit du vent... des échos lointains... des « non » parfois murmurés par le jeune père.
Un silence bien agité, et lourd de sens.
Catherine bougea, de façon à tourner le dos à Isabelle, qui écoutait toujours aussi discrète. Son regard s’était détourné de son époux. Elle regardait à présent quelque chose que sa fille ne pouvait pas voir. Guillaume fit un, deux pas en sa direction. Soupir. Il savait ce qu’il avait à dire.


« Parce que c’est notre seule chance... notre seule chance de les garder tous les trois en vie, ma chérie. » perça le murmure de sa voix suave. « Un autre métier ne nous le permettrait pas. Je ne veux pas risquer de les perdre, Catherine. Je les aime autant que toi. »

La jeune mère renifla dans le froid de la nuit. Il s’avança prudemment, et l’entoura de ses bras.

« Nous réussirons... ils auront le meilleur futur qui soit. Le mien m’importe peu. Mais eux... Ils pourront vivre comme nous n’avons jamais pu le faire... Vivre leurs passions, leurs bonheurs... Je te le promets, mi flor... »

« Je prie pour que tu aies raison, mon amour. Tous les jours, je prie pour nos enfants... J’ai peur de ne plus être là pour eux... »

À cela, il resserra tendrement son étreinte et embrassa sa femme. Si Isabelle n’avait pas tout compris, au moins, elle savait que ce baiser d’amour entre ses parents scellait une promesse... une promesse qui avait à voir avec Jeanne, Jacques et elle-même.
Elle décida qu’il était temps de se recoucher. Même n’ayant pas compris, elle en avait assez entendu, et le sommeil recommençait à peser sur ses yeux luisants de fatigue. Doucement, sans un bruit, elle regagna la chambre, et se glissa sous le drap que les trois enfants partageaient, avant de s’endormir d’un profond sommeil d’une nuit toute entière.


x


Le lendemain matin, Isabelle se réveilla de bonne heure, comme d’habitude. Le Soleil n’était pas levé, mais le ciel dehors commençait déjà à s’éclaircir. Progressivement, à son rythme, la nuit ferait bientôt place au jour.
La petite tête aux boucles brunes immergea promptement des draps. Les yeux sombres s’ouvrirent, papillonèrent un instant, à l’image de son éveil nocturne de la nuit dernière. Mais elle fut sur pied bien plus rapidement, cette fois-ci.
Elle ne s’étonna pas de voir Jacques encore endormi, ni même la place de sa mère vide aux côtés d’un papa lui aussi tout endormi. Par contre, elle s’étonna un peu de voir Jeanne encore au lit. Généralement, Jeanne était debout avant, ou alors en même temps qu’elle.
Après s’être dégagée silencieusement des draps, la petite fille fit quelques pas en direction de son père, et s’arrêta un moment devant lui, s’asseyant sur le sol. Plongé dans un profond sommeil, il ne remarqua pas sa fille lui sourire tendrement, ni caresser ses longs cheveux châtains, veillant cependant à ne pas l’éveiller. Son père, elle ne le voyait pas souvent. Il partait toujours pour des durées indeterminées, et revenait pour des durées tout aussi indéterminées, parfois même par surprise. Alors, elle était un peu moins habituée à lui, mais l’affectionnait et le respectait énormément. L’admirait, aussi, pour certains récits mirobolants, et... pour sa beauté. Lorsqu’elle serait en âge de se marier, pensait-elle, c’était un homme comme son père qu’elle voudrait épouser !
Dans ses gestes de douceur, elle écarta une mèche de la figure de son père. Oh, constata-t-elle, pour la première fois, avec émerveillement, il ressemblait tellement à Jacques ! Ou plutôt, se corrigea-t-elle mentalement, c’était le petit Jacques qui lui ressemblait...
Elle décida qu’il était temps de se relever, et de rejoindre sa mère qui devait être dans la salle d’à côté. Elle quitta donc la plus petite pièce de la maison pour la plus grande. En même temps, on ne pouvait pas se tromper : il n’y en avait que deux.
Comme elle s’y attendait, Catherine Tremblay s’y trouvait. Elle était assise sur une chaise, à recoudre une vieille robe de sa fille plus âgée, qui servirait sans doute plus tard à recouvrir les frêles épaules de la cadette. Elle ne remarqua pas tout de suite la présence de sa fille. Allègrement, elle chantait d’une voix douce pour combler le silence.


« Luna, quieres ser madre,
Y no encuentras querer
Que te haga mujer
Díme Luna de plata
¿Que pretendes hacer
Con un niño de piél ?
Ah, hijo de la Luna...
»


Isabelle écouta ce chant qu’elle connaissait depuis longtemps déjà, rêveuse. Elle compléta la chanson tout naturellement, avec un parfait accent, en même temps que sa mère :

« Y en las noches que haya Luna llena
Será porque el niño esté de buenas
Y si el niño llora, menguará la Luna
Para hacerle una cuna...
»


Catherine leva le regard sur sa brunette de fille, un sourire aux lèvres. Celle-ci répondit à ce sourire éclatant, et s’approcha de sa mère, qui ne tarda pas à cesser son ouvrage pour la loger sur ses genoux.

« Bonjour, maman... » salua la fillette.

« Bonjour, ma petite Isabelle... » répondit l’interpelée. « Comment vas-tu, aujourd’hui ? As-tu bien dormi ? »

La petite analysa Catherine du regard, comme pesant le poids de ses mots. Elle repensait à la conversation qu’elle avait entendue pendant la nuit, et à l’énigme qu’elle n’avait pas réussi à résoudre.

« Je vais bien, maman. Tu sais, » ajouta-t-elle prudemment, « J’ai rêvé que tu économisais de l’argent... pour qu’on puisse vivre ailleurs. »

La mère regarda l’enfant, de ses yeux sombres mais pleins de feu qu’Isabelle avait hérités. Elle scruta sa fille à son tour. Celle-ci attendit patiemment une réponse. À la fin, elle obtint un soupir.

« Tu as tout entendu, n’est-ce pas, pequeña ? »

Lentement, Isabelle hocha la tête affirmativement.

« Tu n’aurais pas dû. C’est très vilain d’écouter aux portes. »

Mais Catherine n’était pas en colère. Un autre soupir. Isabelle savait qu’elle cherchait une explication plausible à donner à sa fille... mais qu’elle ne lui expliquerait pas tout.

« Écoute... papa et maman ont d’importantes affaires à régler. Et quand tout cela sera réglé, papa pourra revenir... rester avec nous... et nous irons habiter autre part... un meilleur endroit. »

« Loin de Paris ? » s’inquiéta tout d’un coup la petite. « Nous ne pouvons partir loin de Paris, maman ! Je ne veux pas quitter Baptiste, et Lucie, et Pierre... et tous les autres ! Je veux rester, moi ! »

La jeune femme eut un rire tendre qui caressa les oreilles de sa fille et l’apaisa inconsciemment. Elle passa une main câline dans la longue chevelure emmêlée de l’enfant.

« Ne t’inquiète pas, tu pourras souvent les revoir. Nous n’irons pas bien loin... À présent, pequeña, tu ferais mieux de te préparer pour cette nouvelle journée. »

« C’est d’accord, maman. » concorda la brunette. « Mais promets-moi qu’un jour, tu me diras ton secret ! »

Le sourire de Catherine s’alargea, et elle promit. Ensuite, elle chassa sa fille de ses genoux, non sans avant avoir reçu un bisou tout à fait matinal de petite fille.
Isabelle se dirigea alors vers la chambre, récupérer une robe convenable pour la journée, puis se changer seule, comme une grande. Ensuite, elle prendrait la brosse à cheveux et l’apporterait à sa maman, afin d’être coiffée, bien qu’elle ne sache pas exactement à quoi cela servirait puisqu’elle se salirait et se décoifferait sans aucun doute pendant cette journée exhaustive de jeux avec ses meilleurs amis... ses amis de la rue.
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MessageSujet: Re: // Souvenirs d'Isabelle. :.   // Souvenirs d'Isabelle. :. Icon_minitimeLun 14 Avr - 0:06

.: Dans les rues de Paris, 5 janvier 1650 :.

Dans ces ruelles sales et actives, on pouvait trouver beaucoup de gens. La mère Denrot, le compère Grenois, le couple Daguère... Ou peut-être Madame Tremblay. Oui, on trouvait beaucoup de monde dans ces rues d’un petit quartier de Paris. Surtout à cette heure matinale. Des gens les plus divers et variés, c’est vrai. Mais ils se connaissaient tous, et avaient au moins un point en commun. Ils luttaient pour la vie.
La vie devenait difficile, les amis. Les impôts croissants, les prix augmentant... ce n’était pas la belle époque pour ce peuple combattant qui souffrait la faim. Tous les visages étaient creusés de fatigue et de disette, mais ils faisaient souvent comme si de rien n’était. Le peuple était fier. Mais souvent solidaire. Une qualité que les bourgeois, eux, ne possédaient pas. Ni aucun homme riche. Ils ne pensaient qu’à l’argent, ou alors qu’à leur bien être. Chez le bas peuple, c’était pas comme ça. Fallait travailler pour survivre, et encore, c’était dur ; et fallait aider les voisins quand on avait besoin de nous. Un service échangé, mais pas de pièce en échange, parce que personne n’en avait les moyens.
Alors, le plus joyeusement et normalement possible, les gens se saluaient, discutaient, ou partaient travailler, dans les champs pas loin. Ils avaient tous des préoccupations. On les comprend, les pauvres.

Et parmi eux, il y avait leurs enfants. Des enfants qui risquaient à chaque minute d’être emportés de la vie, mais essayaient de ne pas y penser. Les enfants, eux, on disait qu’ils étaient insouciants. Mais c’était faux. Ils partageaient souvent beaucoup plus de soucis qu’on ne croit, surtout ceux de leurs parents. C’était un poids sur la conscience, un fardeau à porter, sachant qu’ils ne pouvaient rien faire, ne pouvaient pas aider papa ou maman. Alors, parce qu’eux ils en avaient le droit, ils jouaient, pour oublier les soucis. Lorsque les parents ne décidaient pas de les faire travailler aussi, évidemment.

Dans le quartier, y avait la Bande. Elle se composait de gamins des rues, voyous sans toit, mais aussi des enfants du voisinage. C’était la Bande, on s’amusait comme des petits fous, lorsqu’on faisait partie de la Bande.
Comme toute, ou presque, bande, dans la Bande, y avait un chef. En fait, y avait des chefs. Y avait deux Rois et deux Reines. Les Rois de la Bande, ils s’appelaient Baptiste et Pierre, et les Reines, c’étaient Isabelle et Lucie. Le peu de garçons et de fillettes que contenait la Bande, car ils n’étaient pas très nombreux, admiraient ces quatre souverains, et faisaient en général tout ce qu’ils disaient.
Aujourd’hui, ils étaient réunis dans une ruelle déserte, pas très loin de celle où leurs parents bavardaient ou travaillaient difficilement, mais gaiement. La Bande voulait s’amuser. Les Rois et l’une des Reines étaient enthousiastes, comme d’habitude... mais la deuxième Reine était, pour ainsi dire, souffrante.

Isabelle Tremblay, c’était bien ça, son nom. La fillette avait presque dix printemps. C’était une jolie petite fille brune, aux longues boucles d’ébène, douce comme un agneau, mais hardie comme un lion. En fait, on lui trouvait parfois un sale caractère, mais c’était une gentille fille au fond. Pour sa douceur, son courage et son goût de l’aventure, les enfants la suivaient partout. C’était une Reine de la Bande, c’est tout. Et comme elle n’était jamais méchante et accueillait volontiers des nouveaux dans la Bande, beaucoup la respectaient, ou peut-être tout simplement l’aimaient d’un amour d’enfant.

Elle n’allait pas bien, ces derniers temps. Pas bien du tout. Tout le monde ne savait pas pourquoi, elle n’avait pas voulu le dire à tous, malgré la curiosité générale. Elle préférait ne pas être harcelée de questions, ça faisait déjà assez mal comme ça.
Le fait était que, il n’y avait pas si longtemps, c’est-à-dire, il y avait tout juste quelques mois, elle avait appris la mort de son père, au front. La fillette avait trop de mal à se remettre du choc. Tous les soirs, elle se réveillait, et pleurait. Sa mère n’en savait rien, parce qu’Isabelle se voulait être forte devant maman, qui avait déjà très mal à elle toute seule pour en plus souffrir ce que sa fille ressentait. Un accord taciturne, en fait, entre Jeanne, sa soeur, et elle. Jacques, le petit frère, lui, était trop petit encore pour comprendre. Il n’avait que cinq ans, le pauvre.
Donc, elle allait mal, très mal. Ses yeux étaient rouges, privés de sommeil et innondés de larmes séchées, et elle ne se montrait plus si drôle, espiègle, malicieuse, entraînante et aventurière devant ses compagnons. Elle laissait ça à Baptiste, à Lucie et à Pierre.

En parlant d’eux, il faut dire qu’eux ne savaient pas trop quoi faire pour leur meilleure amie. Elle s’était renfermée sur elle-même, ces derniers temps, et avait du mal à se confier ou à s’amuser. Baptiste, toujours énergique, commençait à s’impatienter du deuil prolongé.
Ce jour-là, la Reine était assise sur un tonneau vide, dans cette ruelle déserte du quartier. Son regard vague et triste scrutait un endroit qui n’était pas le petit groupe de la Bande. Pourtant, ça lui aurait plu, les projets de ce jour-là. La Bande prévoyait de jouer un tour à quelqu’un, un vieux bourgeois radin des quartiers riches, pas si loin que ça.
Fier d’avoir réglé les derniers détails avec brio, Baptiste choisit ce moment-là pour interpeler la petite Reine.


« Qu’est-ce’tu fais là, Isabelle ? T’es une Reine, tu sais. Tu devrais nous aider pour les jeux. »

La brunette ignora son ami quelques secondes. Elle n’avait pas envie de parler, encore moins de bouger. En fait, elle n’avait même pas envie de vivre. Juste de réfléchir, c’est tout. Penser un peu à papa. En essayant de retenir les larmes qui venaient toujours chatouiller le coin de ses yeux sombres.
Elle renifla dédaigneusement, mais refusa d’adresser un regard à Baptiste. Parce qu’elle savait ce qu’il essayait de faire. Mais, non, elle n’avait aucune envie d’oublier ! Elle voulait juste le faire revivre, mais c’était impossible. Mais l’oublier... ce serait le tuer.


« Arrête, j’ai pas envie. Vous vous débrouillez tous très bien sans moi. »

Du coin de l’oeil, elle vit Baptiste froncer les sourcils, et annoncer avec désinvolture :

« Très bien. Dans c’cas, tu peux pas être Reine. J’vais choisir une autre fille. »

Isabelle se tourna bel et bien, cette fois-ci, intriguée devant le chantage de Baptiste.

« Eh ! C’est pas juste ! » s’indigna-t-elle. « T’as pas le droit ! »

« J’ai tous les droits, j’suis le Roi, je fais ce qu’il me plaît. »

Dubitative, la fillette croisa les bras, contrariée.

« Et moi j’suis la Reine, alors ça veut rien dire ! »

« Si. Le Roi est plus fort que la Reine, parce que les garçons, c’est mieux que les filles. »

« Oh ! » siffla, rageuse, la petite fille.

Oh, c’était le mot de trop ! En colère, elle descendit de son tonneau et tapa du pied. Il n’avait pas osé dire ça ! Et pourtant, si, Baptiste continuait avec le petit sourire moqueur, l’air de dire « Je vais pas retirer c’que j’ai dit ». Il cherchait la guerre !


« Je suis prête à me battre, si tu veux, pour te montrer que c’est pas vrai. »

Isabelle se mit en position de combat devant Baptiste, les yeux étincelants, oubliant ses soucis un moment. Colérique, elle voyait rouge. Il aurait pu plaisanter sur n’importe quoi ; mais dire que les filles étaient inférieures ! Elle répugnait ce genre de paroles. Meilleur ami ou pas, il avait pas l’droit !

Mais Baptiste avait eu ce qu’il voulait. Qu’Isabelle oublie un peu son deuil, qu’elle s’occupe d’autre chose... qu’elle fasse attention à lui. Il la provoqua avec un sourire prétentieux.


« Si tu veux, mais tu vas perdre. Les filles c’est plus faible que les garçons, c’est bien co... »

En deux temps trois mouvement, sans avoir eu le temps de finir sa phrase, Baptiste se retrouva cloué au sol, Isabelle assise sur lui, prête à lui donner un coup de poing. Le garçon en ouvrit des yeux ronds. Il ne l’en croyait pas capable. Pas sur un ami comme lui. Mais, il ne savait évidemment pas la haine que peut ressentir une petite fille qui se voit orpheline de père tout d’un coup, et qui soudain trouve le moyen de se soulager du poids de ce sentiment.

Ne serait-ce Lucie, qui s’interposa sur le moment pour calmer les deux adversaires, il se serait reçu un bel œil au beurre noir, sans doute. Parce qu’Isabelle, avec ses petits poings de fille, était tout de même forte, et courageuse comme personne, faut pas oublier.
Cette brunette se releva en feignant de cracher de dédain.


« Ne t’avise plus à dire des choses comme ça, hein. T’as pas le droit, et d’abord c’est pas vrai. »

En réalité, son coeur battait à toute vitesse. # J’ai failli frapper Baptiste ! # se répétait-elle sans cesse. Jamais elle n’avait été si près de le faire, et pourtant, Baptiste disait souvent des choses du genre pour la taquiner. À quoi elle répondait par des réponses intelligentes ou d’autres taquineries. Jamais par la violence.
Son coeur déchiré se remplit à nouveau de tristesse. Ne serait-elle jamais plus la même ? Piètre consolation, observer Baptiste se relever rapidement, marmonnant un « D’accord-d’accord », honteux d’avoir perdu contre une fille.


« Ouah, » commenta Pierre en observant la scène. « Isabelle, je savais qu’t’étais forte, mais à c’point-là... »

Plusieurs enfants curieux acquiescèrent. Mais Isabelle s’en fichait. Elle ne voulait pas être forte. Ou plus. Elle l’était déjà plus qu’elle ne le pouvait, à supporter un deuil en silence. Et frapper Baptiste, c’était rien de très glorieux.
Elle se contenta de détourner le regard, et revenir à ses distractions. Mais, évidemment, fallait s’attendre à être encore dérangée.


« T’es sûre que ça va, Isabelle ? » s’inquièta Lucie, derrière son amie.

Lucie, la douce Lucie. Sa meilleure amie. La seule qui, peut-être, pouvait la comprendre, elle qui était orpheline de mère, elle à qui Isabelle se confiait plus volontiers qu’aux autres. La brunette s’interdit mentalement de pleurer. Bien ? Comment pouvait-elle aller bien ?


« Nan, j’vais pas bien, Lucie. Ça fait encore mal. Maman m’a déjà dit, une fois, que ça passera avec le temps. »

La blondinette s’approcha à pas lents, et serra son amie dans ses bras. La Bande n’était pas loin, ils avaient recommencé leurs complots, laissant les deux amies toutes seules. C’était pas intéressant. Ils étaient là pour s’amuser et oublier les soucis, justement, pas pour s’en rappeler.
Mais Isabelle ne pouvait pas oublier.


« Elle a raison. Elle a toujours raison, ta maman. Ça passe avec le temps. Moi aussi, après un temps, j’avais plus si mal. Tu vois, ton papa restera toujours là... »

La candide Lucie pointa son doigt sur le petit coeur d’Isabelle. La prouesse fut telle qu’elle put lui arracher un sourire.

« Oh, t’as souri ! » s’émerveilla Lucie. « Je t’ai déjà dit que tes sourires sont très jolis, pas vrai ? »

La brunette acquiesça ; une partie de la douleur venait de partir.

« Merci, Lucie. »

x


Dernière édition par Isabelle Tremblay le Mer 16 Avr - 1:47, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: // Souvenirs d'Isabelle. :.   // Souvenirs d'Isabelle. :. Icon_minitimeLun 14 Avr - 0:10

[ Suite ]

Un peu plus tard dans la matinée, la Bande revenait des quartiers riches en courant, essoufflée, des rires se répercutant dans les rues pavées de Paris. Même la Reine Isabelle riait. Pour un instant, un infime instant, elle oubliait son chagrin, et s’amusait pour la première fois depuis des mois.


« Non mais, t’as vu la tête du vieux ? »

« J’ai cru qu’il allait jamais nous remarquer, ce vieil âne ! »


Des cris semblables fusaient du groupe d’enfants, tout excités. Leur larcin s’était effectué avec succès, et ils ne regrettaient pas un seul moment d’avoir réussi à piquer le chapeau du vieil avare, chapeau qu’arborait glorieusement d’ailleurs le Roi Pierre. Chapeau très démodé et de mauvais goût, mais c’était un sacré trophée.

« Trois hourra pour la Bande ! » s’écria un voyou soudainement.

« HOURRA ! HOURRA ! HOURRA ! » répondirent les garnements en chœur.

Isabelle s’amusait comme une folle. Elle tournoyait dans la rue, dansant tantôt avec les Rois, tantôt avec la Reine Lucie, tantôt avec n’importe lequel de ses « sujets ». Ses amis, heureux de la retrouver comme avant, chantaient et dansaient dans la rue, heureusement pour eux déserte ; ils auraient sinon eu sérieusement affaire à leurs parents.

« Vive la Reine Isabelle ! » félicita Pierre.

Le cri fut repris, et Isabelle imita une révérence comique à l’adresse de ses compagnons.

« Merci, chers sujets... » fit-elle en prenant son accent le plus aristocrate, ce qui faisait toujours rire tout le monde. « ... crasseux et sans le sou. Vous devriez manger quelques brioches, vous êtes tous trop maigres, tous autant que vous êtes, vous dis-je ! »

L’exagération d’Isabelle plongea les autres dans un fou rire, et même dans l’admiration pour l’imitation bien réussie. Après applaudissement et ovations, quelque chose incommoda le groupe.

Des bruits de sabots. Oh, pas n’importe quels sabots ; un cheval. Un cheval noble. Depuis tout à l’heure, quelqu’un les observait.
Isabelle l’aperçut la première. Un cheval noir, aussi noir que la prunelle de ses yeux, magnifique carrure, certes. Et le cavalier, un garçon d’à peu près leur âge. Mais, évidemment, lui, il n’était pas en haillons.

Certains « sujets » de la Bande poussèrent de petits cris, notamment les filles. « Un noble ! Un noble sur nos terres ! »

Et c’était bel et bien un noble. Rien ne pouvait tromper. Le cheval pur-sang, c’est sûr, mais rien que l’air, l’allure, et bien sûr la façon de s’habiller du garçon montraient son statut.
Un murmure dans le groupe. Les enfants du peuple semblaient furieux qu’un noble ait osé les « envahir ». Ils suggéraient déjà de lui lancer des pierres dessus, pour lui apprendre, à ce fils de riche.
Mais Isabelle sourit avec espièglerie. Non, elle avait une idée beaucoup plus amusante, et en plus, moins violente que ça. Allez, rigolons.

Elle fit un pas vers le noble, un autre, encore un autre... Baptiste, qui semblait de loin le plus en colère par la venue du noble, tenta de la retenir, mais ce fut vain. Elle passa en courant devant le cheval et le noble, qui la suivaient tous deux des yeux, curieux, et elle se hissa sur un tonneau qui traînait dans la rue.
Une fois dessus, la brunette respira profondément, prit son air le plus important et lança à l’intrus :


« Dis-donc toi, tu te crois tout permis pour envahir nos terres sans permission ? Jeune homme, moi, Reine de ces terres, je ne te laisserai pas partir impunément ! Il va falloir que tu... »

Euh... trou. Il va falloir qu’il... qu’il fasse quoi ?

« ... que tu payes ! » acheva-t-elle majestueusement, pointant un doigt impérial sur le garçon.

Déjà les membres de la Bande s’agitaient. Ils acclamaient leur « Reine », se prenant au jeu. « À mort, l’intrus ! » criaient les uns, « Non, au cachot ! » criaient les autres. En vérité, ils n’auraient pas osé tenir le discours de la brunette devant un noble. Ça pouvait être dangereux, parfois, un noble...

Isabelle, fière de sa prestation, adressa un radieux sourire à son entourage. Décidément, elle s’amusait bien plus, aujourd’hui. Presque sans le vouloir, elle posa son regard sur le garçon sur son cheval, et lui adressa un clin d’oeil, signe que ce n’était qu’un jeu. Elle n’était pas barbare, tout de même. Voler des petits vieux avares et méchants, d’accord. Tuer un enfant parce qu’il était noble, ça jamais.


« La punition sera terrible, » commenta lugubrement Isabelle. « Tu vas devoir... euh... » Oui ? « Je sais ! Le prix, ce sera ton cheval. »

Silence. Les « sujets », incrédules, la fixent, tout autant que le jeune noble devant elle. Eh ! C’était juste une idée en l’air ! Dite sur le feu du moment ! Elle rougit. D’accord, cela ne se fait pas, ils ne pouvaient tout simplement pas enlever un cheval à un noble. Elle échangea un regard avec Baptiste. Celui-ci semblait totalement en désaccord, et même furieux. Il ne fallait pas se mêler avec les nobles. Baptiste a toujours détesté les nobles.
Tant pis ; elle l’avait dit, et ne le retirerait pas. C’était pas sa faute ; elle mourrait vraiment d’envie de toucher et de pomponner le cheval... Jamais vu un si beau, et de près en plus. Et cela lui rappelait... son père.


« À moins que tu préfères qu’on te prenne en ôtage. »

Les membres du groupes recommencèrent à réagir, tout doucement. Se remettant de leur incrédulité, ils se mirent à scander : « En ôtage, en ôtage ! ». Isabelle sourit. Le jeu devenait de plus en plus intéressant...
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