[ Intruse... ] PV Isabelle

Cela faisait quelques temps que Carmen lorgnait du côté de l'immense demeure qu'était Versailles.
Au début, elle la regardait, de loin, l'épiait, comme s'épient deux inconnus attirés l'un par l'autre mais trop fiers pour faire eux-mêmes le premier pas.
Puis, au fil des jours, elle s'était approché, avait longé l'enceinte, vu tout ce qu'il y avait à voir du dehors, aperçut des serviteurs, des nobles dames et des grands chevaliers, ainsi que ces gardes, qu'elle exécrait évidement.
Au fur et à mesure, elle avait reconnu les visages, et connaissait même par coeur les horaires de rondes des gardiens...
Elle y était même déjà entrée, grâce à Monsieur, comme pour visualiser les lieux…
A croire qu'elle voulait mener un assaut... Mais non.
En réalité, elle voulait juste entrer.

La jeune fille avait toujours eu une curiosité insatiable, et était dotée d'une puissante détermination, et l'on savait bien que les deux ne font pas bon ménage...
Quand elle avait une idée en tête, elle ne la lâchait plus : elle y pensait, jour et nuit, la tournait et retournait dans sa tête, la murmurait, la rêvait, elle se sentait sur le point d'imploser tant qu'elle n'avait pas réaliser son projet.
Maintenant, toute sa "famille" l'avait appris, parfois à leurs dépends, mais ils la laissaient faire ce qu'elle voulait.
Et là, c'était une curiosité bien enfantine qui la poussait à entrer dans le merveilleux château...
Car il n'y a pas que les princesses qui rêvent : les gens du peuple, même s'ils n'ont pas toujours des mots magnifiques et dorés pour parler de leurs émotions et de leurs envies, n'en pensent pas moins, et leurs rêves sont souvent égaux à ceux de la noblesse...
Simplement découvrir ce qu'il y a derrière, l'au-delà, l'inconnu.

Les grandes rues de Paris ne lui suffisaient plus, les forêts et campagnes non plus.
Elle voulait voir, connaître, goûter.
Et puis, le fait que c’était interdit suffisait à lui-même pour qu’elle entre…

Alors, un de ces soirs d'octobre qui se faisaient de plus en plus frais, elle sortit de la roulotte dans laquelle ils habitaient pour le moment, s'habilla d'une robe à deux jupons, noirs, et blanche en dessous, revêtu sa tête brune d'un capuchon et ses épaules d'une cape sombre, ses pieds portaient les seuls souliers qu'elle avait, de drôles de petites pantoufles ressemblant à des ballerines, d'une couleur argenté un peu sale.
Doli l'accompagnait.
L'animal l'accompagnait tout le temps et partout.
Et les yeux de Carmen brillaient.

Heureusement qu’elle avait fait du repérage…
C’est ce qui lui avait permis d’apercevoir ce trou derrière les bosquets.
Normalement il n’y aurait pas du en avoir, évidement, mais la surveillance du château était un peu relâchée, et elle en profitait.
Elle espérait juste que personne ne l’avait rebouché…
Non, il était bien là.
Souriante, elle fit passer Doli en première, puis elle-même s’agenouilla, s’allongea et rampa.
Sa robe fut tâchée mais elle n’en avait cure.
Elle se releva, regardant autour d’elle.
Elle se trouvait dans ce qu’elle savait être les futurs bosquets, et se rappelait qu’elle devait longer le mur pour atteindre les fontaines puis, l’endroit où elle désirait aller, la roseraie.
Ce nom lui évoquait quelque chose de délicieux qui la faisait frissonner.

Doli broncha légèrement, elle posa une main douce mais ferme sur sa tête, et l’animal comprit qu’elle devait se taire.
Cette étrange relation avait surpris plus d’un, et était en partie responsable de sa réputation de sorcière.
Mais il n’y avait aucune magie dedans, juste de l’amour et un respect, une confiance mutuels.
Elle se mit en marche, se déplaçant sur la pointe des pieds, aussi silencieuse et invisible qu’une ombre, Doli la suivant avec un maximum de précautions, comme si elle avait compris ce qui se jouait.

La roseraie, enfin…
Carmen ne pu retenir un sourire.
C’était véritablement magnifique…
Oubliant soudain toute prudence, elle s’élança, sa cape noire volant derrière elle, secouée d’un rire silencieux, et elle tourbillonna au milieu des roses.
Il lui semblait n’avoir jamais rien vu d’aussi beau.
C’était peut être le cas, bien loin des rues sales et puantes de Paris…

Elle s’assit aux côtés d’un bosquet de roses, prit la tige de l’une d’elle entre ses doigts, renifla son parfum avec délectation…
Une épine s’enfonça dans sa main, et elle poussa un petit cri, surprise.
Elle ne savait pas que les roses piquaient.
Elle entendit alors des pas.
Aussitôt, elle tourna la tête, mais resta assise.
Espérant que les roses la dissimuleraient…
Elle se rendait bien compte à présent que son projet était une folie.

Le soir enfin arrivé, Isabelle s'était permise un coup d'air frais. Ce n'était pas Marie qui allait le lui reprocher. Les pas longeant le parc de Versailles, elle se perdait entre contemplation et réflexions. C'était stupéfiant de voir ce que les jardiniers arrivaient à faire de jour en jour au jardin. Nouvelles fleurs plantées par ci, des arbres taillés par là... le parc était petit, et on n'aurait pas dit que c'était un superbe jardin ; mais c'était déjà quelque chose.

C'était étrange, ce qui lui arrivait ces derniers temps... trop de choses en même temps. Elle ne savait plus où donner de la tête. En partie, c'était dû à l'étrange et excentrique personnage qu'était Philippe, son nouvel ami. Il faut dire qu'en moins d'une semaine, elle était passée de domestique de Versailles à femme de chambre de l'amante du Roi, et de là elle allait devenir l'espace d'une soirée une fille de noble. Juste une soirée. Mais cette soirée lui semblait déjà un peu trop. Et tout ça, c'était cet huluberlu (xD) de Philippe qui l'avait manigancé.

La Roseraie. Là, devant elle. Elle avait sans doute marché plus qu'elle ne le pensait, perdue dans un autre monde. La Roseraie... des souvenirs affleuraient son esprit. Cela faisait longtemps qu'elle n'y venait plus. La Roseraie ! Oui, lieu de rencontre, de doutes et de joies dans son passé. Un passé d'il n'y a pas si longtemps, d'ailleurs. Mais ce n'était plus qu'un souvenir. Isabelle n'était plus fâchée avec Marie, et elle n'avait plus revu François depuis... une... deux... semaines ? Non... combien de temps ? Elle en avait perdu le compte. Elle ne savait pas. Ne savait plus. Perdu la notion de temps. Quel jour était-on ? Remarque, peut-être était-ce mieux de ne pas le savoir.

Ses pas la guidaient tous seuls ; elle pénétra dans la Roseraie, lieu infesté de roses et de fraîcheur verte, au point qu'on s'en croyait presque dans un jardin sylvestre, une clairière de roses au milieu de la forêt. Comme si on n'était plus du tout à Versailles...

Le soleil déclinait, le jardin se faisait de plus en plus sombre ; mais les roses étincelaient d'elles-mêmes, reflétaient la brillance du grand astre diurne, ce qui donnait à l'endroit une dimension surnaturelle de là où elle regardait. Impressionnée par ce spectacle auquel elle n'avait jamais fait attention, la brunette s'avança prudemment, les yeux fixés sur les roses, de peur qu'elles perdent leur éclat si elle déviait le regard une seconde seulement.

Un bruit. Parmi les pétales colorés, une ombre. Une ombre d'être humain, sans aucun doute possible. Non, deux ombres. La deuxième, beaucoup plus massive, ressemblait à une silhouette chevaline. Un noble ?

"Q-qui va là ?" questionna Isabelle d'une voix faible et cassée.

Des ombres, à la tombée de la nuit... ça ne pouvait pas la rassurer. Ça ne rassurerait personne.

Carmen attira brusquement la petite Doli contre elle, car elle ouvrait déjà la bouche pour hennir.
Elle ne pouvait dire si c'était de stupeur ou bien un appel, mais elle entoura rapidement son museau de ses bras pour qu'elle ne fasse pas un bruit.
Et en même temps elle s'enfonça le plus profondément possible dans les roses, se retenait de crier de douleur lorsque plusieurs épines s'enfoncèrent dans sa chair, lui mettant les larmes aux yeux.
En plus, elle avait fait du bruit en bougeant les plantes...

Affolée, pétrifiée, comme un animal traquée, elle essayait de déterminer à qui pouvait bien appartenir la voix qu'elle venait d'entendre.
Une femme, c'était sûr, et elle était effrayée, tout comme elle.
Elle devait se demander qui pouvait bien être ici à une telle heure de la nuit...
Et Carmen haletait de frayeur à l'idée qu'on la découvre.
Si Philippe avait autorisé le fait qu'elle vienne lui rendre visite, elle ne savait ce qui se passerait si les gardes la prenaient à traîner de nuit et sans but particulier dans les jardins de Versailles...
Ils s'arrangeraient bien vite pour lui faire avoir un but tiens, et pas honorable...

Pourtant, elle se dit que la voix était douce ; et elle n'imaginait pas une personne noble, ni même une courtisane se promener ici en pleine nuit.
En vérité, elle les méprisait, et elle ne pensait pas qu'elles puissent être attirées par la beauté de l'obscurité, elles si lumineuses...
Mais même si c'était une simple servante, pouvait elle être sûre qu'elle ne dévoilerait rien? Qu'elle n'irait pas trouver son maître? Les trahisons viennent de tout le monde...

Tout occupée qu'elle était à réflechir, envisager, analyser, et tendre l'oreille pour guetter d'éventuels autres bruits, elle avait oublié de retenir Doli.
La ponette, frémissante, avait bondit hors du rosier, et s'était élancée au petit galop vers Isabelle.
Elle était bien trop curieuse...

" Doli ! " Cria Carmen avant de se plaquer une main contre la bouche, se rendant compte qu'elle venait de se dévoiler.

Elle plongea sur le sol pour essayer de rattraper l'animal, se rata, roula sur le côté et sortit à l'air libre, cheveux en bataille et pleine de terre.
Elle se redressa sur un coude et tourna vivement la tête vers la personne qui l'avait surprise...
C'était bien une femme comme elle l'avait deviné, et une domestique.
Elle fut soulagée, du moins pour l'instant.
Par contre, elle ignorait que faire, que dire.
Et, comme entrée en matière, elle ne choisit rien de mieux qu'un :

" Bonsoir... "

Avant de rougir dans les tons pivoine, ce qui heureusement ne se voyait pas à cause de l'obscurité et de sa peau trop foncée.
Elle se remit debout, s'efforçant de s'arranger les cheveux, ele visage et la robe, pour paraître présentable et en enlever la terre.
Elle dévisageait l'inconnue avec une curiosité méfiante et craintive de l'animal sauvage en découverte.

" Je... "

Elle se tut, pencha la tête sur le côté, se mordit la lèvre.
Doli trottina gaiement jusqu'à elle, ignorant tout du malaise de son amie.

" Désolée de vous avoir effrayée... "

[ Pffff vraiment pas d'inspi >< ]

Quelle ne fut pas la surprise de notre jeune brunette de voir la silhouette chevaline se précipiter vers elle au galop ? Trop surprise de voir ce petit cheval apparaître dans son champ de vision, elle en oublia d'exclamer quoique ce soit, de laisser passer un seul son de sa bouche. L'animal, plein de curiosité, venait renifler et frôler de son museau le visage d'Isabelle. Bien qu'elle ne fut pas habituée aux chevaux, ce geste la fit rire. Elle posa une main sur les naseaux du cheval, ou poney, qu'importe ; elle ne savait pas la différence.

Une exclamation retentit. Isabelle ne put identifier quel mot avait été prononcé. Était-ce une autre langue ? Le nom de l'animal ? Ce qui était sûr, c'est que c'était une voix de femme. Et d'après ce que savait Isabelle, aucune demoiselle de bonne famille ne se jetterait dans les roses, où il y avait tant de risques de salir sa robe, pour se cacher d'une domestique, ni ne s'exclamerait aussi vivement. Les bonnes manières ne le permettaient pas.

La brunette prit cela pour un critère qui pouvait la rassurer. Sereine, elle observa une jeune femme enrobée d'une cape sombre et salie de terre, à peine plus âgée qu'elle, se relever doucement.

"Bonsoir," répondit-elle tout simplement, avec un joli sourire. "Il n'y a pas de mal. Je préfère mieux vous voir, de toute manière, que de tomber sur une mauvaise rencontre."

Toujours avec ce sourire, elle observa l'animal qu'elle qualifiait déjà de "gentil" retourner vers sa maîtresse. Évidemment, à ce moment-là, l'étrangeté de la situation frappa en plein fouet Isabelle.

"Et... si vous me racontiez ce que vous faites ici à cette heure, avec ce charmant petit cheval ?"

Cette phrase lui donna une envie inexplicable de rire, mais elle s'en défendit formellement. Ce serait impoli envers l'inconnue. Son sourire s'accentua tout de même un peu, couvert par la pénombre qui commençait à s'abattre sur le champ de roses.

[ XD Pas grave moi c'est que j'ai pas assez de temps -_- ]

Carmen examina la jeune femme en face d'elle.
Elle lui donnait son âge, peut être un peu plus, peut être un peu moins.
Et elle semblait déjà usée de travail...
Elle se sentait rageuse, car elle était en train de s'imaginer, à sa place, vivre ainsi... Oh, son caractère indomptable ne l'aurait pas supporté ! C'était vraiment un cas cette fille...
La domestique était pourtant jolie, bien plus que les dames de la Cour et leurs artifices selon elle, et elle semblait avoir conservé une fraîcheur qui la rendit tout de suite sympathique.
Elle était brune elle aussi, les cheveux longs et ondulés, mais sa peau était blanche.

Carmen se demandait ce qu'elle venait faire ici en pleine nuit.
Par là même, elle se disait qu'elles étaient peut être semblables de caractère pour leur infraction ; elle ignorait tous des contraintes à Versailles, et ne savait si une balade nocturne était autorisée pour les domestiques.
En tout cas, autorisée ou pas, cette fille l'avait fait !
Elle semblait très attirée par Doli ; peut être n'avait elle jamais vu de cheval de ce genre, cela semblait même très probable.
D'ailleurs, l'animal aussi avait l'air de bien aimer la jeune fille, c'était rare qu'elle se précipite au devant des gens, elle était plutôt méfiante habituellement.
Avait elle sentit qu'il n'y avait rien à craindre? Carmen se demandait si elle pouvait lui faire confiance sur ce coup-là...

Elle se rassura au sourire de la jeune femme et à son air calme.
Elle n'avait pas l'air de vouloir l'attaquer déjà ! Elle semblait même amicale.
A tout hasard, Carmen lui sourit en retour.
Peut être que son sourire à elle avait un air plus malicieux, car il avait toujours tendance à s'ouvrir plus largement du côté droit, et ce petit sourire en coin était à la fois charmant et malicieux.
Il faut dire que ses yeux noirs pétillant et sa chevelure désordonnée complétaient parfaitement la tableau de la sauvageonne.

" Il en est de même pour moi ! J'étais prête à prendre une branche pour vous assomer ! "

Elle éclata de rire, dévoilant des petites dents nacrés.
Peut être était ce l'atmopshère, une ambiance différente, toujours est il qu'elle avait repris son parler de la rue, avec l'accent légèrement espagnol, et ne réfléchissait absolument pas à la manière de s'exprimer, comme elle s'était crue obligée de le faire avec Philippe ; elle avait un air amusé, peut être joyeux en disant ces mots, espérant tout de même que la jeune femme ne le prendrait pas à mal.

Ce qu'elle venait faire ici?
C'était une bonne question, et si elle avait la réponse, elle ne savait pas vraiment comment la formuler, surtout envers une inconnue...
Mais la question la fit sourire tout de même, surtout au "petit cheval".
Elle baissa les yeux vers Doli avec un air amusé.

" Disons que... "

Elle s'interrompit un instant.
Elle releva la tête, une lueur espiègle dans les yeux.

" Je pourrais vous retourner la question à vrai dire ! "

Même si ce n'était pas très poli !
Mais quand elle répondait comme ça du tac au tac, elle ne faisait pas toujours tellement attention à ce qu'elle disait !
Et puis, elle n'avait pas tout à fait tort !
Elle sourit de nouveau, puis dit tout de même :

" Je voulais simplement voir les jardins de Versailles la nuit... "

Elle avait un air rêveur en disant ces mots.
Sa tête était tournée sur le côté, elle mordillait sa lèvre inférieur d'un air pensif.
C'était vrai, elle avait simplement eu une lubie, comme ça, un peu comme un enfant qui a une soudaine envie de sucrerie, et même si c'était stupide, même si c'était fou et surtout inutile, elle n'avait pu s'empêcher de le faire.
Elle eut d'ailleurs un air contrit quand elle tourna de nouveau la tête vers Isabelle, après cette courte pause.

" C'est idiot n'est ce pas? "

Son visage et sa voix s'étaient faits doux alors, un peu plus adultes.

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