Les Rumeurs de La Cour

Le Roi et Marie Mancini…

Spoiler:

Eh oui, ce n’est secret pour personne à présent ; depuis déjà quelque temps, on soupçonne la jeune Marie Mancini d’avoir volé le cœur de notre monarque bien-aimé. Ne voyez-vous pas ce sourire béat sur leurs visages, chaque fois qu’ils se croisent ? Et ces chuchotements qu'elle lui baille à l’oreille, comme une complice, parfois, pensant qu’on ne la remarque pas (lorsqu’en vérité, toutes les dames de la cour sont rongées de jalousie…) ? Mais comment la petite courtisane s’est-elle acquittée d’une telle prouesse ?

Marie Mancini, comme on sait, est l’une des nièces du cardinal Mazarin. Fille de Michele et Geronima Mancini, intégrant la petite noblesse italienne, cette mazarinette ne manque pas d’esprit, et c’est sans doute l’atout qui l’a élevée auprès du Roi. Car enfin, à la voir on sait qu’Olympe et Laure, ses sœurs aînées, n’ont rien à lui envier. Olympe Mancini, comtesse de Soissons, connue pour sa grâce et son piquant, avait réussi à attirer l’attention de Sa Majesté ; et Laure, l’aînée, aujourd’hui duchesse de Mercœur, semblait toute portée pour une pareille ascension royale. Oui, mais… il a suffit que Marie entre en scène pour que les deux soient écartées : parmi les mazarinettes, c’est elle l’élue.

Doit-on pour autant la courtiser en excès, afin de s’attirer les faveurs de Louis ? Le jeu est dangereux ; on sait aussi que la Reine-Mère n’est pas satisfaite de cette liaison. Des témoins ont pu voir lors du dernier bal les deux amants soupçonnés danser, ravis, sous les yeux rageurs d’Anne d’Autriche. Et celle-ci, furieuse, serait sortie de la salle. Il aurait fallu une longue discussion avec son fils cadet pour la convaincre de revenir honorer les invités de sa présence. Mais on raconte aussi que la Reine n’aurait cessé de fusiller du regard la jeune mazarinette, qui, par le plus grand des hasards, se trouvait assise juste à côté du Roi lors du banquet.

Certaines rumeurs racontent encore que Marie Mancini aurait incité le Roi à quitter le château et se promener dans le Paris pauvre, en haillons. Pensez-vous ? Sa Majesté, entourée de la vermine du petit peuple… qu’aurait-ce donc été si d’anciens frondeurs l’avaient reconnu ! Mais grâce au Ciel, cette folie royale n’est que rumeur, et sans aucun doute une invention poussée de l’esprit courtisan.

Monsieur, poignardé lors d’un bal !

Il faisait nuit noire, déjà, et les nuages cachaient un peu la Lune lorsque, peu après le repas de la medianoche, un cri retentit dans la salle : « Monsieur est mort, Monsieur se vide de son sang ! »

Aussitôt, la panique est générale ; une agitation dans la salle, et tous se précipitent au-dehors, vers l’endroit indiqué. Certains restent dans la salle de bal, intrigués, à commenter cette nouvelle rumeur toute fraîche.

Il faudra peu de temps à la famille Royale pour se diriger vers la chambre où l’on a transporté le mourant. Les médecins rapportent d’abord qu’il n’en réchappera pas ; sa santé est bien trop fragile, et on sait qu’il s’est déjà évanoui un peu plus tôt dans la soirée. Puis la nouvelle change ; Monsieur est vivant et va s’en sortir. Le soulagement est général, mais on se questionne encore : qui a bien pu commettre ce crime contre notre si bon prince ?

On a vainement questionné Antoine d’Aumont, le jeune homme qui a vraisemblablement retrouvé Monsieur dans cet épouvantable état. Quelques mots ont pu être arrachés de l’affaire ; et voilà qu’en moins d’une demie heure, tout Versailles chuchote qu’une souillon, une simple domestique aurait leurré le prince, s’étant parée comme une dame de la cour, afin de se venger d’avoir repoussé ses avances auparavant. D’autres encore murmurent qu’il s’agit d’une noblionne rebelle, qui aurait refusé un mariage arrangé en tuant ses parents et son futur époux. Ensuite, la folie se serait emparée d’elle, et cette sotte aurait nourri le dessein d’assassiner le prince, puis Sa Majesté elle-même.

Quelle que soit son identité, on sait qu’aujourd’hui cette personne croupit en prison, attendant la sentence de sa mort. Monsieur, bien vivant, restera tout de même boîteux pendant quelques temps.

Spoiler:

D’ores et déjà, on sait que la trompette de la bataille a sonné à Versailles. Les gentilshommes se préparent tous à partir au front. Les amantes pleurent, les épouses respirent ; du côté des courtisanes, voici l’effervescence. Mais toutes, sans exception, disent avoir un mauvais pressentiment. Mademoiselle de Lisieux, cette chère diseuse de bonne aventure, la première : elle rapporte à qui veut bien l’entendre que l’issue de cette bataille sera catastrophique.

Malgré ces pressentiments, Sa Majesté, notre bon Roi Louis, s’apprête à commettre une folie. Comme on sait, point n’est besoin qu’il parte guerroyer contre nos ennemis les espagnols ; mais selon témoins, le monarque a réfuté et sa mère, et le Cardinal Mazarin ; il est bien décidé à partir, contre l’avis de ses tuteurs qui auraient bien plus besoin de lui ici, à parfaire ses connaissances et apprendre à gouverner. Quant à Monsieur son frère, hors de question pour lui de partir ; ses blessures récentes le font encore souffrir, et de plus, il est inutile de risquer encore la vie du prince héritier… car si le Roi n’en revient pas, ce sera au Grand Dauphin de reprendre le trône.

Ce qui est sûr, c’est que la cour toute entière tremble d’excitation face à cette nouvelle. Car enfin, bien qu’insensée, cette décision est celle qui prouvera aux espagnols que la France tient désormais un Roi ; et on attend de celui-ci de grandes prouesses de guerre, qui prouveront sa vaillance et feront taire les plus grands devant lui. On est en droit, alors, de se questionner, si le jeune Louis XIV sera en mesure de relever ce défi, et s’il en reviendra vaincu ou vainqueur…

Déjà certaines intrigantes délient leurs langues à toute vitesse. On dit que la jeune Marie, qu’on suppose son amante, a l’air bien abattue ces temps-ci… Sa Majesté ne l’écoutera-t-elle donc pas ? Car enfin, qui sait quelle est la force persuasive des arguments de cette charmante enfant ?